Jour d’hier à Nantes
Des mousses de limon couraient sur les rivières
Comme feuilles chassées des arbres des allées
Image de Bacchus sous les balcons de pierre
La ville s’enivrait de tourbillons salés.
Un monde de draps bleus grouillait sous les hangars
Où résonnait la tôle des frappeurs de rivets.
Au bout de la nacelle, à portée des regards,
Le cœur battant d’une île respirait et vivait.
Quand les hommes quittaient la buée des cafés
Pour happer dans la nuit le tout dernier tramway
Nous venions mélanger aux parfums de marée
Le goût du Muscadet sous les arches du quai.
A l’aube, des clochers au-dessus de la ville
Et le vol des oiseaux nous tenaient en éveil
Le ciel nous promettait une journée tranquille
De rêves endormis sur le sable au soleil.
Alors passait le temps d’une tendre jeunesse
Un temps que nous tenions enlacé dans nos bras
Nos errances menaient vers des lieux de tendresses
Et s’achevaient parfois sur d’innocents faux-pas.
Nous avions bâti là aux confins de la ville
Près du chemin côtier qui va jusqu’à la mer
Une maison remplie de choses inutiles
L’abri d’un bateau plat et le jardin d’hiver.
Il ne reste d’hier que des braises mouillées
Et le chapeau de paille sur le rebord du banc
Une nappe froissée, quelques fleurs oubliées.
Et dans le lit du fleuve une étreinte d’amants.