A propos
Hélène Jean-François
Curieuse histoire que celle d’un couple devenu très vite un duo par amour de la chanson : une puis deux voix et un accordéon en menant de front nos activités professionnelle et artistique. Ainsi, la chanson devint très tôt une troisième personne dans notre vie. Le bonheur qu’elle nous procure encore aujourd’hui est nôtre et comble toujours notre quotidien. Elle nous aide à vivre. Nous pouvons avoir à subir l’affrontement de nos différences, celles de nos activités respectives, tout redevient simple quand nous nous retrouvons sur les scènes de nos concerts. Les kilomètres qui nous en séparent nous permettent toujours d’assurer la transition avec les « petits paradis » où le public nous attend.
Hélène avait aussi peu d’ego que moi. Nous n’avions qu’une chose à faire : nous étonner l’un l’autre, devenir admirable pour l’autre et rendre l’autre admirable. Bien sûr, physiquement, nous sommes différents par la taille et les manières d’expression et c’est sans doute pour cela que nous avons été attirés l’un vers l’autre. Après bientôt soixante-cinq années de vie partagées, nous sommes sûrs que c’est un superbe cadeau de pouvoir exercer et jouir de la chance de créer ensemble Nous nous sommes aimés, nous avons aimé, nous nous aimons et nous sommes follement heureux d’être là.
Et la chanson nous emporta ailleurs. Il y eut la mer, les îles de Bretagne et les autres : l’Irlande, Terre-Neuve, Vancouver, des villes : Chicago, Medellin ou Bogota, les fêtes populaires, les luttes, la rue, les gens. Et puis…
« La Loire, c’est un désert habité comme un fleuve africain. »
Désert parce que beaucoup n’y voient rien. Habité comme le sont aussi ces êtres d’exception qui empruntent les chemins gracieux de ce territoire muet. Leurs regards y portent une tendre attention et révèlent des objets invisibles. Leurs voix se fondent dans le silence de l’eau.
Ainsi sont et font ceux qui rêvent encore des fleuves africains.
Nous sommes, Hélène et moi, ces rivières affluentes venant de pays différents pour rejoindre à leur façon le fleuve fédérateur. Descendant du nord ou du sud, nous y avons mêlé avec les eaux, nos origines et le parfum des sources de l’enfance. C’est dans cette géographie que se sont rejoints nos deux chemins sur la Loire quand j’ai rencontré Hélène. Il nous suffisait de laisser le courant nous porter jusqu’à Nantes.
Une attention distraite vers l’amont du fleuve venait souvent dissiper l’enfant pêcheur à la ligne, comme si je pressentais déjà que ce qu’il me fallait encore longtemps attendre viendrait de là comme ces « Filles de la Loire » d’Emile Joulain. Je n’avais pas encore entendu ni lu ce grand et beau poème mais j’ai su pourquoi nous allions le chanter plus tard, Hélène et moi. Nous savions aussi pourquoi notre vie allait ressembler à une descente de fleuve et qu’avant d’atteindre définitivement l’estuaire, il nous arriverait cent fois de le remonter comme un bonheur cent fois revécu.
Etions-nous devenus ces saumons dont j’avais donné le nom anglais à Hélène en l’épousant ? Etions-nous ces poissons voyageurs remontant vers l’amont sans cesse pour sans cesse nous recréer ? Cette vie de descente d’un fleuve, nous allions la raconter plus tard dans nos chansons. Puis, un jour, nous les avons chantées en descendant la Loire sur une gabare, notre grand bateau-scène. Cette magnifique aventure que nous appellerons « Les Descentes de Loire en Chanson » durera une vingtaine d’année.
Et puis, à nouveau, nous avons repris nos relations intimes avec le fleuve, celui des amonts et des beaux étés, qui descend vers la ville et se resserre pour la traverser au pied des quais de granit et qui enfin, une dernière fois, va s’étendre pour s’offrir à la mer.
Notre Association « Ile de Ville »
- A été créée en 1991.
- A pour objet : La production, la réalisation et diffusion de manifestations ayant trait plus particulièrement à la sensibilité portuaire, maritime et fluviale de Nantes et de sa région.
- Représentant 20 personnes de tous horizons professionnels attachées à cette sensibilité, réunies par des liens d’amitié, prêtes à se mobiliser pour susciter et promouvoir des manifestations dont l’échelle et l’esprit sont le reflet de cette identité particulière.
La dénomination « Ile de Ville » a son importance : elle synthétise cette identité particulière, celle d’un esprit de résistance aux structures culturelles dominantes, aux grandes «machines ». Il s’agissait de créer des évènements qui en toute indépendance, pouvaient exister dans un espace « modeste » mais fermement identifié.
Ilot de résistance, l’Association « Ile de Ville » l’est depuis plus de 25 ans.
Depuis l’implantation du petit chapiteau au bout de l’Ile Sainte-Anne (à l’époque) au milieu des montagnes de ferraille, sous la grue grise, avec un spectacle qui n’était pas facile, facile : c’était la première évocation de Tristan Corbière, poète maudit.
Et puis pendant 19 ans, contre vents et marées, « Les Descentes de Loire en Chanson » ont « défriché » les rives de Loire depuis Saumur jusqu’à Saint-Nazaire.
Comme nous avons planté le chapiteau sur l’Ile Sainte-Anne, nous avons amarré nos bateaux dans de toutes petites Communes, offrant aux habitants des spectacles originaux, créant du lien le long du fleuve et entre les rives du fleuve.
Avec de petits moyens, « Les Descentes de Loire en Chanson » ont permis à un public populaire de rencontrer :
Des poètes (d’Emile Joulain à Tristan Corbière)
De grands écrivains (dans « Auteurs d’eau)
Des styles musicaux très variés (de l’Irlande à la Bolivie, du jazz New Orleans à la musique de cirque, de Nino Rota à Jean-Sébastien Bach)
Quatre Descentes ont embarqué des Expositions (les deux Emile en 1993, Bois flottés de Serge Crampon en 92 et 97, Tristan Corbière en 2006)
La Gare fluviale à Nantes a accueilli en 1996 une exposition photographique illustrant les 5 premières Descentes de Loire.
Un album a été enregistré.
Des vidéos existent et des milliers de photos
L’esprit d’indépendance d’ « Ile de Ville » et des Descentes de Loire en Chanson a soufflé aussi depuis 25 ans aux « Rendez-vous de l’Erdre » à Nantes. La participation des membres de l’Association soutenus par de nombreux musiciens venus bénévolement a permis, pendant ces 25 années, l’autofinancement des Descentes qui, sans cela, n’auraient pu perdurer.
Le combat (financier) a souvent été rude et quelquefois décourageant, mais l’envie était tenace. Cette aventure n’aurait pu avoir lieu sans le soutien d’amis qui nous ont fait confiance pendant toutes ces années.
L’aventure « Descente de Loire en chanson » est maintenant terminée.
L’esprit doit perdurer.